Pédagogie de la créativité

Ceci est le rendu final d’une formation en pédagogie suivie cet hiver pendant 8 semaines auprès de l’Université de Mons (formation en ligne). Mon champ d’investigation personnel était « Développer les créativités ». Il s’agissait de produire un résumé graphique ainsi qu’un texte d’accompagnement.

Avec ce travail final, j’ai eu le bonheur de figurer en troisième place, parmi plusieurs centaines de participants, lors du classement effectué par un jury de professeurs de l’Umons. Les responsables de cette formation étaient messieurs Bruno Lelièvre et Gaëtan Temperman, que je remercie ainsi que toute l’équipe pédagogique pour ces cours passionnants !

Vous trouverez donc ici mon travail de fin de formation :

 

Développer les créativités

Le mot « créativité » est directement traduit du terme américain creativity (Guilford, 1950) qui désigne la capacité de résoudre un problème de manière inhabituelle (out of the box, en sortant des sentiers battus).

Ce terme de « créativité » recouvre un vaste champ de concepts qui peuvent finalement se révéler assez flous et sans grand rapport entre eux. Sous ce vocable, on retrouve aujourd’hui la création artistique et l’expression imaginaire, tout autant que la création d’idées ou l’innovation. Cette dernière est particulièrement valorisée dans notre société comme outil entrepreneurial tout comme dans son acception d’innovation technologique.

Dans son sens actuel, la créativité, si son champ est immensément vaste, pourrait se définir tout simplement par « lieu où naissent les idées ». C’est le processus créatif comme promenade dans ce lieu qui nous intéresse. Dans ce cadre, le « formateur en créativité » serait l’équivalent du guide de montagne accompagnant le randonneur dans son exploration.

Nous considérons que la naissance des idées a lieu dans l’entre-deux qui s’étend entre deux processus mentaux. Le premier utilise la déduction et les mécanismes logiques, le second s’éloigne de la réalité et du sens en puisant dans l’imaginaire et le rêve. La création, en tant que « nouveauté applicable dans le monde réel », combinerait donc ces deux processus. Certains parlent également de latéralité (cerveau gauche/cerveau droit) bien que cette théorie soit remise en question par l’imagerie cérébrale actuelle et les neurosciences.

Le processus de créativité est très généralement décrit à l’aide de structures linéaires, simples et presque prédictibles (e.a. Wallas, 1926). On peut ainsi l’organiser en différentes tâches, auxquelles attribuer un planning et un budget. Cette simplification est tentante pour le monde des affaires, qui voudrait diminuer incertitudes et risques.

Cependant, de par son essence même – et encore plus particulièrement dans le domaine artistique –, la créativité ne peut pas être planifiée ni réduite à une recette, un scénario ou une formule. Dans la pratique, le processus créatif est souvent désordonné et itératif, voire récursif.

Mis en séquence, il serait défini comme l’élaboration d’un projet pour atteindre un but d’accomplissement. Mais le premier essai n’apporte pas forcément la résolution. La séquence peut alors être itérative, circulaire, et utiliser dans la production finale les acquis des tentatives précédentes. On peut ainsi corriger ses erreurs, s’appuyer sur les accidents, ajouter ou retrancher des détails et améliorer son habileté par la pratique. C’est à ce titre qu’une modélisation du processus créatif empruntera avec profit différents concepts définis par Hattie, Mayer et les autres théoriciens de la pédagogie.

Le processus créatif se schématise alors moins comme une ligne que comme un cercle ou une boucle : observer > répercuter > produire > observer > répercuter > produire >… La phase de départ peut s’effecter à n’importe laquelle des étapes. La frontière qui les sépare n’est pas définie. Chaque activité continue pendant le processus : produire implique également refléter et observer, par exemple.

En règle générale, plus le but à atteindre est clair, plus les moyens deviendront implicites et l’évaluation de la production facile. Au contraire, si le résultat à obtenir est flou, savoir quand stopper le processus répétitif (briser le cercle) demandera beaucoup de discernement de la part des créateurs eux-mêmes. On pourra cette fois encore s’appuyer sur les travaux de Hattie, s’agissant de « clarifier les intentions » (compétences, objectifs, etc).

Certaines questions ou concepts de départ sont toutefois biaisés (wicked problems, Rittel, 1969). Leur définition dépend du point de vue, et leur champ peut être élargi ou approfondi, influençant la production résultante qui peut alors être retravaillée sans fin. Dans ce cas, le déroulement du processus de création est plutôt arbitraire, et il s’arrête seulement pour des raisons de temps, de budget, de perte de patience ou d’intérêt du créateur. C’est ici qu’une réflexion sur les critères de réussite et d’accomplissement (la phase d’évaluation ou de vérification), prend toute son importance puisqu’elle va déterminer si le processus créatif doit se poursuivre ou peut être considéré comme terminé de manière satisfaisante.

Cette phase de vérification pose la (vaste) question des critères d’évaluation à mettre en place dans le cadre de la création. Certains soutiennent qu’évaluer la créativité est impossible, l’acte créateur, de par son essence-même, échappant à toute tentative de classification et jugement. Toutefois, il nous semble possible et profitable de mettre en place des grilles de lecture, qui peuvent être de type auto-évaluation (le créateur a défini au préalable lui-même ses critères de succès) ou reposer par exemple sur le modèle du débat d’opinion mis au point par Pierre Dillenbourg, en alternant les phases de réflexion individuelles et collectives. Cette phase fait l’objet d’une longue recherche qui nous demandera de largement dépasser le cadre temporel de ce Mooc…

En conclusion, si le processus créatif, lui-même par son aspect divergent, semble échapper à tout cadre de type séquençage d’apprentissage, et à toute simplification, il n’en reste pas moins que son accompagnement est possible et que ce dernier bénéficie grandement d’une réflexion nourrie par les théories pédagogiques évoquées ici.

 

Umooc – Décembre 2016 – Marie Vanesse

Laisser un commentaire