Petit historique des pigments verts

Trois verts historiques


La terre verte (PG23)

Des dépôts de terre verte existent un peu partout dans le monde, mais les gisements exploitables sont relativement peu nombreux. Les plus renommées viennent de Chypre ou de Vérone. Les veines les plus vertes sont réservées pour les qualités supérieures, les veines ordinaires pouvant être utilisées comme charge.

Terre verte de la firme Dolci en Italie.

Sa couleur est plus ou moins pâle et terne, et assez proche d’un vert sauge. Elle est semi-transparente dans des liants à l’huile. Son pouvoir couvrant et sa vivacité de coloris sont faibles. Quand elle est de la meilleure qualité, elle est néanmoins excellente pour rompre une couleur trop vive ou pour en accélérer le séchage à l’huile (elle est assez siccative).

On a retrouvé de la terre verte dans du matériel de peinture et des fresques murales à travers tout l’Empire Romain. Ce fut en effet, pendant longtemps, un des rares verts fiables pour la fresque. Elle fut largement utilisée au Moyen Age par les peintres byzantins, et surtout par les primitifs italiens : le protoplasma ou verdaccio, camaïeu de terre verte posé sous les carnations, permet un rendu des chairs subtil et réaliste en valorisant les couleurs chaudes qui le recouvrent.

La Madone (ou Vierge à l’Enfant) de Manchester, peinture inachevée de Michel-Ange (Wikimedia).

Dans le Libro dell’Arte de Cennino Cennini on trouve une recette pour colorer le parchemin à l’aide de terre de Vérone mélangée à du blanc de plomb, du cinabre, du noir et de l’ocre liés avec de la colle animale.

La seule terre verte disponible sur le marché de nos jours provient d’Italie et est commercialisée sous l’appellation de Vert de Vérone ou Terre de Brentonico. Aujourd’hui, beaucoup de peintures à base de terre verte sont des mélanges avec un autre pigment plus colorant, comme le vert oxyde de chrome. On trouve également diverses imitations.

La malachite

Comme sa cousine l’azurite, la malachite est un carbonate de cuivre provient de la percolation d’eau dans les gisements de minerais. Au Moyen Age, par proximité avec l’azurite, elle est d’ailleurs nommée verde azzuro (vert azur).

Écrasée grossièrement, c’est un pigment lumineux. Plus elle est réduite en poudre fine, plus sa teinte sera pâle et transparente. Dans son Libro dell’arte, Cennini précise « si tu la broies trop, elle devient terne, couleur de cendres ».

(Rob Lavinsky, iRocks.com, via Wikimedia Commons)

Ses cristaux sont broyés en poudre puis lavés pour séparer les particules vertes, et donnent un pigment employé durant des siècles en Europe et en Extrême-Orient. On la trouve dans des enluminures médiévales du 8e siècle et elle joue également un rôle important parmi les couleurs de la Renaissance.

Détrônée à la fin du 18e siècle par ses variantes synthétiques, plus faciles à fabriquer et moins coûteuses, elle est remplacée sur nos palettes par le vert de chrome et n’a plus aujourd’hui qu’un intérêt historique.

Ce Portrait de Giovanni Arnolfini par Van Eyck est peint à l’huile sur panneau de bois. A cette époque, pour rendre les verts, les peintres utilisaient de la poudre de malachite ou des dérivés de cuivre. (Wikimedia Commons)

Le vert-de-gris

Jusqu’au 19e siècle, c’est le vert le plus lumineux disponible. Il est obtenu par corrosion du cuivre, en suspendant des plaques de ce métal au-dessus de cuves de vinaigre. Les émanations d’acide acétique réagissent alors avec le cuivre pour donner de l’acétate de cuivre.

L’oxydation du cuivre offre un ton vert-bleuté (wikimedia)

Les Grecs anciens l’appelaient « fleur de cuivre » et les Romains « rouille de cuivre » (aeruca). En France, il était nommé verdet, vert de Grèce ou vert de Rouen. En Allemagne, il portait le nom de vert d’Espagne (grünspan).
Grandement apprécié par les peintres qui saluent ce « nouveau vert », il est pourtant instable. Par réaction avec les UV ou les composés soufrés dont l’air ambiant est porteur, il tourne au brun foncé. On peut observer cela sur certains tableaux de la Renaissance où vêtements et feuillages sont devenus d’un brun terne sous l’effet de l’air et de la lumière. De nombreuses manipulations ont été tentées pour stopper ou ralentir cette altération : ajout de safran, isolation à l’aide d’un vernis ou dissolution dans des oléorésines…

Le vert-de-gris connut un rapide déclin suite à l’introduction du vert émeraude au 19e siècle. Aujourd’hui, du fait de sa toxicité, c’est un pigment rarement disponible.

Vert émeraude et vert de cobalt, pigments des collections historiques de la firme Winsor & Newton (source)

Les verts contemporains


Le vert oxyde de chrome (PG17)

Totalement inerte, c’est le pigment vert le plus stable. Sa teinte n’est cependant pas très vive, son vert un peu terne tendant vers le vert olive.

Ce vert terreux est particulièrement utile en mélange avec des ocres ou des terres, pour obtenir des verts naturels idéals pour la peinture de paysage.

Pigment vert oxyde de chrome (wikimedia)

Les verts phtalo (PG7 / PG36)

C’est en 1934 que les phtalocyanines sont découverts par l’industrie chimique. Outre une grande stabilité, cette famille de pigments organiques bleus et verts possède une belle vivacité et un bon pouvoir couvrant. Commercialisés dès 1939, ils n’ont cependant véritablement conquis les marchés qu’après la seconde guerre mondiale.

Compatibles avec toutes les techniques sans restrictions, les verts phtalo sont aujourd’hui encore incontournables et permettent la formulation de quantité de verts composés (vert Véronèse, vert de Hooker, vert de vessie).

La phtalocyanine de cuivre chloré (PG7) donne le vert phtalo (tendance bleue), un vert froid proche de l’émeraude ; la phtalocyanine de cuivre bromé (PG36) donne le vert phtalo (tendance jaune), un vert chaud.

Vert phtalocyanine de cuivre chloré (PG7)
Vert phtalocyanine de cuivre bromé (PG36)

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