Histoire et symbolique de la couleur rouge

Le rouge est une couleur qui a marqué les esprits et les cœurs à travers les âges, et ce n’est pas par hasard. Considérée comme la couleur la plus universellement appréciée de tous les temps, cette teinte audacieuse éveille en nous une multitude de sensations.

L’influence vibrante du rouge dans le sport

Le rouge, couleur qui rayonne d’énergie, a même trouvé sa place dans le domaine du sport. Si vous vous penchez sur l’histoire des équipes de football au Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale, une tendance inattendue se dégage : les équipes vêtues de rouge ont régulièrement surpassé les attentes statistiques. Que ce soit lors de jeux olympiques ou de sports de combat, une étude après l’autre révèle des résultats similaires. Le rouge semble avoir un impact indéniable sur notre performance et notre détermination. Il nous stimule, nous pousse à nous dépasser et à repousser nos limites.

La richesse des significations culturelles du rouge

Le rouge est une couleur dont les significations varient selon les cultures et les époques. Sa palette s’étend du vif écarlate du vermillon à l’élégant cramoisi du carmin, et son histoire est tout aussi éclectique et audacieuse que sa teinte. Les anciens Grecs, par exemple, percevaient le rouge comme une couleur intermédiaire entre le clair et le foncé, l’analysant selon ses valeurs tonales. Dans différentes civilisations, le statut d’une couleur dépendait de ses composants, de leur origine, des propriétés des pigments utilisés, ainsi que de son utilisation au sein de la société. Cette perception complexe a perduré jusqu’au 18e siècle, donnant lieu à des confusions et des contradictions dans l’histoire des couleurs. Dans le monde classique, le rouge et le vert étaient par ailleurs considérés comme des teintes analogues en raison de leur valeur similaire.

Décor architectural sur le mur d’une villa romaine (Boscoreale, Villa Fannius Synistor) source

Le rouge : l’intensité du sang, symbole de sacrifice et de courage

Le rouge, cette couleur qui résonne avec la vitalité du sang, est intimement lié aux notions de sacrifice, de courage et de violence. Il porte en lui la force brute de la vie et de la mort. Les Romains, par exemple, attribuaient au rouge une signification guerrière, en en faisant la couleur de Mars, le dieu de la guerre. Les soldats revêtaient des tuniques rouges, tandis que les généraux victorieux défilaient fièrement vêtus de capes écarlates et le corps paré de rouge. Les anciens Égyptiens, de leur côté, se couvraient d’ocre rouge lors de leurs cérémonies sacrées. Dans de nombreuses cultures traditionnelles, le rouge joue un rôle protecteur contre les maladies et les esprits malveillants, qu’il soit porté en vêtement ou utilisé comme peinture corporelle. Même de nos jours, qui peut nier l’efficacité du Mercurochrome, ce précieux antiseptique, qui multiplie peut-être son pouvoir cicatrisant par sa couleur rouge ?

Le rouge : un symbole de charité, de féminité et d’amour

Le rouge ne se limite pas à une dimension intense et passionnée. Il a aussi une facette douce et tendre. Il peut symboliser la charité, la féminité fertile et l’amour. Dans la Rome antique, les futures mariées ornaient leur coiffe d’un voile rouge, en Chine elles revêtaient une robe écarlate et de nos jours encore, en Grèce et dans les nations balkaniques, un voile rouge est le symbole ultime du mariage. Dans de nombreux pays asiatiques, le rouge est associé à la chance et au bonheur. Partout, il incarne la joie et la célébration.

Pierre-Auguste Renoir, Nu au fauteuil.

Le rouge et le mouvement socialiste : une révolution en couleur

Enfin, comment parler du rouge sans évoquer son rôle emblématique dans l’histoire du mouvement socialiste du 20e siècle ? Le rouge est devenu le symbole visuel de la révolution, l’étendard des idées progressistes et de l’égalité sociale. Il est devenu le ton flamboyant qui incarnait l’esprit de changement, l’appel à l’action et la lutte pour un monde meilleur.

Ainsi, de l’influence électrisante du rouge dans le sport à sa symbolique profonde à travers les cultures et les époques, cette couleur éblouissante continue de fasciner et de captiver nos sens. Quelle que soit son interprétation, la plus hardie des couleurs primaires reste une teinte qui éveille nos émotions les plus intenses, nous rappelant la passion, la force et le pouvoir de la couleur dans nos vies.

Notes de lecture : Rouge, une analyse détaillée par Michel Pastoureau

Nous l’avons vu, l’histoire de la couleur rouge est riche et complexe. Dans son livre Rouge, histoire d’une couleur, l’historien Michel Pastoureau explore en profondeur la signification culturelle et artistique de cette couleur flamboyante.

Du monde antique à nos jours, le rouge a joué un rôle central dans la société, revêtant des connotations variées, de la violence politique à la passion amoureuse. Dans Rouge, nous découvrons comment cette teinte a évolué au fil du temps pour devenir une couleur artistique et politique incontournable.

Chapitre 1 : « Le rouge, couleur par excellence : de l’Antiquité à l’Empire romain »

Dans ce premier chapitre, l’historien explore le statut privilégié du rouge au sein de la triade blanc-rouge-noir. Le rouge était omniprésent dans l’architecture, les vêtements, les bijoux et les rituels religieux de l’Antiquité à l’Empire romain. Sont évoqués les matériaux et pigments utilisés pour produire cette couleur vibrante, tels que la garance, l’hématite ou encore le cinabre (voir mon article sur les matériaux historiques du rouge). Nous plongeons dans les valeurs symboliques attribuées au rouge, associées à la violence, au feu et au sang. L’Empire romain occupe une place centrale dans ce récit, où le rouge était considéré comme essentiel dans la vie quotidienne, exprimant à la fois la polychromie et la majesté.

Chapitre 2 : « Le rouge contesté : du Moyen Âge à la Réforme »

Le deuxième chapitre relate la période médiévale, marquée par la transition du rouge en tant que couleur matérielle à une couleur conceptuelle. Nous découvrons comment les couleurs étaient conceptualisées à travers les écrits des Pères de l’Église, les traductions bibliques et les commentaires. Le rouge conservait sa connotation de pouvoir et de majesté, arboré par les papes et les empereurs. Cependant, l’émergence du bleu, porté notamment par la Vierge Marie, a progressivement concurrencé le rouge. La Réforme protestante a ensuite contribué à reléguer le rouge à une couleur indécente et immorale, associée à la violence et aux péchés capitaux. La Contre-Réforme a maintenu le rouge dans les rituels, mais il est devenu une couleur contestée dans la vie quotidienne.

Chapitre 3 : « Le rouge politique : du 18e au 21e siècle »

Dans ce dernier chapitre, Michel Pastoureau analyse l’univers politique du rouge. Au 18e siècle, de nouvelles couleurs émergent, telles que le rose, qui se détache du rouge grâce à l’influence de personnalités comme Mme de Pompadour. Après la Révolution française, le rouge devient synonyme de luttes sociales, de révolutions et de mouvements socialistes. Nous suivons l’histoire de cette couleur pendant les révolutions russes, chinoises et cubaines, où elle est devenue le symbole de l’idéologie communiste. Enfin, l’ouvrage aborde son utilisation dans les mouvements contemporains, tels que les manifestations étudiantes et les campagnes politiques.

Conclusion

L’ouvrage de Michel Pastoureau, Rouge, offre une étude détaillée de l’histoire et l’évolution de cette couleur emblématique. À travers les siècles, le rouge a été tantôt vénéré, tantôt contesté, tantôt politique. Sa signification a évolué, reflétant les valeurs culturelles et les transformations de la société. Cet ouvrage captivant nous incite à réfléchir sur le pouvoir des couleurs et leur impact sur notre perception du monde.


Bibliographie

  • Philip Ball, Histoire vivante des couleurs : 5000 ans de peinture racontée par les pigments, Hazan, 2010
  • Victoria Finlay, Color, A Natural History of the Palette, ‎Random House, 2002
  • Jean Petit, Jacques Roire et henri Valot, Des liants et des couleurs pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs, EREC, 1995
  • François Perego, Dictionnaire des matériaux du peintre, Belin, 2005
  • Anne Varichon, Couleurs, Pigments et teintures dans les mains des peuples, Seuil, 2000

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